Fille(s) 132

 

Il y a cette incompréhension totale, puis cette tristesse qui vient, cette épée brûlante d'acide qu'on nous enfonce soudain dans le ventre, et que l'on nomme prise de conscience.  Prendre conscience, soudain, par un mot, un regard, une absence soudaine d'une liste, un icône gris au lieu d'être vert, la non-notification d'un anniversaire, un silence pesant comme une enclume, que ça s'étiole, ou, pire que c'est fini, fini, fini.

 

Terminé, grillé, atomisé à la bombe nucléaire, irrécupérable.

 

Et alors on tente de comprendre où exactement a été l'erreur, cette fichue erreur, cette erreur fatale. Celle qui aurait tout fait basculer. Quand est-ce que cela a commencé ?

En septembre ?

En décembre ?

En avril ?

En mai ?

Ou encore en juillet ?

A-t-on fait semblant tant de tant ?

S'est-on vraiment trompés si longtemps ?

Me suis-je tant menti que je n'ai pas su voir que je te perdais complètement, que je vous perdais complètement, et que c'était irrémédiable, sûrement, sauf peut-petre avec le temps qui passe, qui passera et finira par faire pâlir nos haines, nos rancoeurs, nos tristesses et nos déceptions ?

Comment ai-je pu être si bête ?

Comment ai-je seulement pu croire qu'à tout ça nous aurions pu résister ?

 

Un départ, une absence, une liaison, un retour, une douce guerre, un vide soudain qu'on comble aussi vite et bien mieux, un peu moins de rires, des sourires plus faux, un peu moins de temps, beaucoup de bonheur qui aplanit soudain le reste. Et soudain, ce silence, total, ce mutisme, cette absence, ces monosyllabes qu'on est venus chercher, absolument, à force d'effort. Les nouvelles qu'on prend par d'autres, ou qu'on ne peut même pas prendre. Et le manque qui s'instille et s'empire.

Et cette culpabilité, parce que presque dès le début je me doutait que ça allait tout gâcher et j'ai tenté de le nier pour faire comme si et finalement finir par s'échouer. 

 

Être si peu après tant, c'est pas juste, non, c'est pas juste. Avoir un mur invisible dressé entre nous et contre lequel on bute pourtant à répétition jusqu'à saigner et qui se renforce à chaque nouveau silence, c'est inhumain. Parce que la communication manque soudain cruellement, parce qu'on ne peut plus parler sans sentir qu'on ment, et ça, ça tue à feu doux. On ne peut plus se définir et c'est étrange. Alors on se tait, et on reste comme ça.

Et puis, on sourit, puisque c'est grave, avant de tenter désespérément de se raccrocher à autre chose.

Et ça marche, oui, ça marche, on reste heureux, sans pour autant ne rien pouvoir effacer. 

 

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